Fragments de vie



Lettre de Catherine de Barnoin, veuve d’Alexandre de Jassaud*.

Feuille volante, insérée dans un registre (1693-1697) de Jean Antoine Arnaud, notaire de Thorame-Haute. Non datée. Archives départementales Digne. Réf : 2 E 0628. 

Document communiqué par Aline Sarti.

*Alexandre de Jassaud ; 1603-1664.

Damoiselle Catherine de Barnoin, dame de thorame-basse et sa vallée, veuve héritière fiduciaire de noble Alexandre de Jassaud, Seigneur du dit lieu remontre aux consuls et la communauté dudit thorame-basse que de tout temps il est permis au dit seigneur de thorame de voir les contes des thresauriers trois jours avant la redition d’iceux pour son intérêt et celuy du public à cause de grands abus qui glissent en iceux à son insu de la veuve et de l’orphelin, et cependant vous dit consuls modernes avés fait rendre les contes en cachete à vos thrésoriers et à l’insceu de la ditte dame. Laquelle vous a fait civilement dire de les voir entre vos mains ou entre celles du greffier dans la maison commune du dit lieu afin de faire passer en décharge beaucoup de sommes inutilement employées et puisqu’elle a droit en cella d’un temps immémorial, et mêmes par la sentence arbitrale d’entre le dit seigneur et communauté (1 mot illisible) riere Mestre augier Notaire Royal de la ville d’Aix du troisième avril mil six cent quarante-cinq .Il est permis au dit seigneur de thorame-basse de nommer un homme résidant au lieu-dit pour assister aux délibérations du conseil, reditions des contes des thrésauriers lequel la ditte communauté sera tenue appeler a ces fins ce que vous n’avez non plus une seule malice daigne faire bien que cet homme-là soit tenu aux frais et dépens du seigneur et non point de la communauté et pour vous faire cesser tout prétexte la ditte dame vous nomme pour faire la dite fonction la présente année tout en délibérant que aux contes (de la personne : mots barrés suivis de 4 mots illisibles) sans approbation des contes randus en dernier lieu qu’elle n’a pas vu, elle vous somme, requiert et interpelle de tout présentement et sans delay luy faire voir les contes rendus  l’année dernière et à l’avenir luy faire voir ou à son ci-dessus subrogé trois jours auparavant entre les mains des auditeurs des contes qui seront randus par vos thrésoriers modernes et même d’appeler à toutes les délibérations de votre conseil le cy-dessus nommé de sa part, tout ainsi et conformément comme il est porté à la sentence arbitrale et même pour les arrêtés de règlements faits par nos seigneurs de la souveraine cours des contes, aides et finance de ce pays de provence, autrement et (1 mot illisible)refus, proteste (2 mots illisibles) nom sans pouvoir le (1 mot illisible) sur le corps de la ditte communauté de tous dépens, dommage, intérêts publics et particuliers et de tout ce qu’elle peut et doit protester requérant acte de votre réponse ou les (7 mots illisibles). 

Signature : Catherine de Barnoin.
 



1791 – Procès-verbal de la prestation de serment du curé et des vicaires de ce lieu.

Ce jourd’huit vingt du mois de février, jour de dimanche, à 11 heures du matin à l’issue de la messe paroissiale et dans l’église de ce lieu de Thorame-Basse en présence du Conseil général de la commune et des fidèlles assemblés, l’an mille sept cent quatre-vingt onze

Le sieur Martel curé de cette paroisse a dit qu’en exécution du décret de l’assemblée nationale du 28 9bre dernier sanctionné par le roy le 26 décembre suivant et publié en cette municipalité le 13 du courant il s’empressait de prêter le serment civique prescrit par le dit droit et de fait le sieur Martel après un discours dans lequel il a exprimé à la grande satisfaction des assistants un sincère dévouement à la nouvelle constitution a prononcé à haute et intelligible voix et la main levée de veiller avec soin sur les fideles de la paroisse qui lui est confiée d’être fidèle à la nation, à la loi, au roy et de maintenir de son pouvoir la constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée )par le roy.

Ensuite le sieur Blanc vicaire de cette paroisse et le sieur Cottiers vicaire desservant la succursale de St Thomas ont pareillement fait et prèté la main levée le serment de remplir leur fonction avec exactitude, d’être fidèle à la nation, à la loi, au roy et de maintenir de tout leurs pouvoirs la constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée par le roy.

Ce fait et aucun ecclésiastique ne se présentant plus pour pretter le serment tous se sont retirés.

De tout quoi nous maire, officiers municipaux et notables avons dressé le présent procès-verbal.

Signatures :

Proches verbal du serment du sieur Coulet, vicaire desservant la succursale du hameau de la Valette

Ce jourd’huit vingt-sept février mille sept cent quatre-vingt-onze, jour de dimanche à onze heure du matin jour de la messe paroissiale et dans l’église de ce lieu de Thorame-basse en présence du conseil général de la commune, des fidèles assemblés, le sieur Coulet vicaire desservant de la succursale du hameau de la Vallette a dit que en exécution du décret de l’assemblée nationale du 27 9bre dernier sanctionné par le roy le 26 décembre suivant et publié en cette municipalité le 13 du courant il s’empressait de pretté serment civique prescrit par le décret comme il ne pût se rendre en cette paroisse dimanche dernier vingt du courant eu égard à l’inconstance du temps comme il l’avait déclaré par sa déclaration faite au secrétaire de cette municipalité le 18 du courant a pretté la main levée le serment de remplir sa fonction avec exactitude, d’être fidèle à la nation, aux lois ,au roy et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée par le roy.

De tout quoi nous maire, officiers municipaux et notables avons dressé le présent procès-verbal à Thorame-Basse l’an et le jour susdit.

Signatures : Colet, Fournier maire, Aillaud officier municipal, M. Laugier officier municipal, Reboul officie municipal, C. Chauvin officier municipal, J. Vial officier municipal, Simian officier municipale J.B Aillaud notable.

Registres municipaux de Thorame-Basse
 



1673 – Verbal du meurtre de Jean Monges à Thorame-Basse

Ce document est retranscrit et publié par Guillaume Aral, docteur en droit et diplômé notaire, descendant de la famille Arnaud qui de 1587 à 1905 a exercé la charge de notaire à Thorame-Basse et Thorame-Haute de 1587 à 1907.

Jean Anthoine Arnaud, fut juge ordinaire « des Thorames » à partir de 1670 et notaire de Thorame-Haute à partir de 1675.

Du vingt-troisième mai mil six cent septante trois, savoir faisons nous, Jean Anthoine Arnaud, juge ordinaire des Thorames, que étant parti du présent lieu de Thorame Basse environ demie heure de jour pour nous rendre au lieu de Thorame l’Haute dans notre maison d’habitation en compagne de messire Pierre Boyer, Prêtre du lieu de Bausset et demeurant au dit Thorame l’Haute, et étant arrivés devers La Mothière dite la terre d’Antoine (?) Arnaud à feu Paul, dans le chemin royal avons entendu une voix parvenir qui nous demandait, ce qui nous a obligé d’attendre et vîmes arriver auprès de nous le nommé Abel Galfard, fils de Jean du lieu de Lambruisse, lequel nous a dit de venir audit Thorame Basse qu’il y était arrivé quelque chose vers la plus haute rue du village, on menaçait en grand bruit et qu’il avait ouï crier, qu’il y avait des coups, ce qui l’a obligé, nous ayant auparavant vu passer de nous aller adducter et nous prier de venir pour voir ce que c’était, à quoi avons dit oui. Toujours avec ledit Messire Boyer, prêtre, avons passé au hameau du Moustiers et là trouvé la plupart des habitants dudit hameau à la rue et comme la nuit commençait à être noire enjoignîmes une partie d’iceux de se porter en notre compagnie audit Thorame Basse, qui sont Anthoine Lions avec son fils, Guillaume Aillaud, Pierre Chieusse, Jean Chieusse et autres hommes et femmes du hameau et étant tous ensemble, dessus le pré de Maurel, avons rencontré Claude Aillaud avec ses deux enfants et demandé à iceux s’ils venaient du village à quoi nous ont répondu qu’ils s’étaient un peu entretenus distants du village à environ cent pas et qu’ils avaient ouï du bruit de courroux audit village et ouï crier qu’ils y allaient mal, et poursuivant notre chemin avec les susnommés et les enfants dudit Aillaud, étant arrivés à l’entrée du village y avons trouvé Pierre Laugier devant sa porte avec un autre, lequel nous a dit qu’on avait tué le nommé Jean de Sauvaire à la rue ; et poursuivant toujours notre chemin par la rue de dessus de la maison d’Alix Dieuque (?) avons rencontré Pierre Chaillan, cadreur de laine dudit lieu, lequel avons interrogé et demandé s’il savait ce que le susnommé nous avait déclaré lequel nous a répondu que Jean Monges, fils de Sauvaire, était dans sa maison raide mort et qu’on l’avait remis dans icelle ce qui nous a obligé de venir en icelle toujours en compagnie des susnommés, et ayant heurté la porte, elle nous a été ouverte par icelui dans laquelle au mitan de la salle avons trouvé un cadavre tout habillé et tout ensanglanté de son côté droit, nous apparaissant être le corps de Jean Monges, fils de Sauvaire dudit Thorame Basse, autour duquel se trouvaient huit ou dix filles ou femmes savoir Madelaine Monges fille dudit Sauvaire, la femme dudit Pierre Chailan, Isabeau Grassier, fille de Georges, Anne Reboul, femme de Charles Coulet, de plusieurs autres voisines dudit Chaillan auxquelles nous avons enjoint de nous dire qui avait commis cet homicide sur la personne dudit jean, ayant répondu qu’elles ne savaient pas et qu’elles étaient là pour y passer la nuit, et attendu l’heure tardive, nous sommes rentrés avec les susnommés de ladite maison et laissé ledit cadavre en icelle et enjoint audit Pierre Chaillan de le garder jusqu’à demain afin de la faire visiter et palper par un Maître chirurgien et informer sur ledit meurtre à la diligence des parties ou du procureur juridictionnel, si bon lui semble, pour ce fait être procédé contre des coupables ainsi qu’il appartiendra par raison ; et pour le devoir de notre charge avons dressé le présent verbal de notre main, à défaut de greffier, pour servir et valoir ainsi que de raison et nous avons soussigné avec les susnommées sachant écrire.

J. Aillaud, Chieusse, P. Boyer prêtre, Jehan Chieusse, C. Aillaud, P. Lions.


1766 – Plaintes contre des jeunes gens de Thorame-Basse

Le second juin 1766, Jean Gautier, procureur juridictionnel de Thorame-Basse, engage des poursuites à l’égard de plusieurs jeunes de Thorame-Basse qui sèment le trouble et la peur parmi la population, depuis plusieurs années.

L’un des deux textes qu’il adresse au ‘’juge de Thorame-Basse’’ débute en ces termes : « Depuis trois ou quatre ans certains jeunes gens du lieu troublent par un libertinage affreux et par bien des attentats et des désordres, la tranquillité publique, en courant toute la nuit dans le village avec un tambour, en chantant des chansons infâmes, en jetant des pierres dans les rues et aux portes et aux fenêtres de plusieurs particuliers, avec tout de violence que bien des gens ont failly en être tués ou grièvement blessés. » « Parmi le nombre, il doit s’y trouver les frères Hisidore et Pierre Arnaud, Pierre-Paul Simian de Château-Garnier et autres quidams ».

A côté de multiples délits mineurs, tels que le trouble à l’ordre public, le tapage nocturne, des larcins commis dans les vergers et les jardins, des attitudes plus inquiétantes sont signalées : ils « portent presque tous les jours sur eux des armes à feu comme des pistolets de poudre et couteaux en forme de poignards quoi que ces armes soient expressément défendues […]. Dans cet état, ils menacent tous ceux qui pourraient se plaindre ».

Des menaces verbales ou physiques qui s’accompagnent de coups et blessures volontaires aux conséquences plus ou moins sérieuses. Ces agressions se déroulent souvent autour de l’auberge du village, tenue par Gaspard Monge. Un homme est ainsi « assailly à coup de bâton au moment qu’il était près de la porte du dudit Monge, par deux de ces libertins, dont il fut si cruellement blessé qu’il en garda longtemps le lit, et il n’osa porter plainte dans la crainte que les libertins ne le traitent encore plus mal. »

Fin juin ou début juillet 1765, Hisidore Arnaud soupe à l’auberge avec son frère. Le commerçant voulant l’obliger à payer son écot, Hisidore lui porte un coup de « couteau en forme de poignard », que Pierre reçoit à la main, en tentant à le retenir. L’aubergiste, évitant lui aussi le coup, aura cependant « la veste percée ».

Chez un particulier, le même Hisidore pousse violemment Magloire Galfart contre le mur, au point que ce dernier en a « la tête fendue ».

Pierre-Paul Simian blesse Jean-Joseph Serrat, le maréchal à la forge, qui « garde le bras en écharpe » pendant plus d’un mois.

Le 24 avril 1766, Simian et les frères Arnaud s’en prennent, sans raison apparente, à deux notables étrangers au lieu : « le Sieur Bonnefoy d’Argens étant venu avec son oncle, vicaire de cette paroisse, fut attaqué en plein jour dans la boutique d’Antoine Ranguin de ce lieu, par ledit Hisidore et Pierre son frère, soutenus par le dit Pierre-Paul Simian, et qu’il fut si cruellement battu et excédé, sans sujet, que sans les secours des gens qui accoururent, il aurait risqué pour sa vie. »

Les deux frères agressent encore un paysan d’Angles venu travailler chez le chapelier, qui doit son salut à ses cris d’appel à l’aide et à l’intervention des gens de la maison. 

Enfin, on signale des coups de feu tirés de nuit à diverses occasions, dont l’un est dirigé sur un « homme de Thorame-Haute, au moment qu’il traversait les rues […] pour se retirer chez lui […], et alors on poursuivit cet homme jusque vers le gravier du Moustier à grand coups de pierres, et dont il faillit être tué, et qu’il n’évita qu’à la faveur de la course d’une bête sur laquelle il était monté. » 

Et l’auteur conclut : « ce sont là des désordres, des attentats très caractérisés mais il y en a certainement beaucoup d’autres qui ne sont point à la connaissance du procureur juridictionnel qui seront sans doute relevés par la procédure et méritent tous une punition exemplaire pour ramener la tranquillité dans le public […] et pour éviter les suites funestes ».

On ignore la suite de la procédure et le sort réservés aux mis en cause.

Notes : 

– l’orthographe et la ponctuation d’origine ont pu être modifiées pour faciliter la lecture. 

– Ecot : part due par chaque personne lors d’une dépense commune, souvent un repas ou un divertissement.

– Quidam : personne dont on ignore ou dont on tait le nom.

– Gravier du Moustier (retranscription incertaine) : désigne sans doute un lieu-dit à proximité de ce hameau, sur la route entre les deux Thorame. 

Document issu de la collection de l’association Patrimoine culturel de Thorame-Haute.

Retranscription : Paul Giraud. Février 2018.